II) Un roman d'anticipation basé sur la dystopie

A) Des personnages déshumanisés

Un personnage déshumanise est le fait de faire perdre son caractère humain à quelqu'un, à un groupe et lui enlever toute générosité, toute sensibilité, et surtout donner un caractère, un aspect, qui l'éloigne des besoins affectifs de l'homme, qui le rende inhumain dans ses paroles et actions.

Dans les deux œuvres que nous avons choisies, les personnages, centre du roman, sont déshumanisés. Ils sont le Cœur de la dystopie.

Anecdote : Le Meilleur des mondes s'en inspire, non sans ironie (le titre anglais, tiré de Shakespeare, La Tempête), joue sur le sens du mot brave qui signifiait autrefois « éclatant, ostentatoire ».

1) La deshumanisation dans Le Meilleur des mondes

Aldous Huxley, dans son œuvre, déshumanise ses personnages. Tous d'abord, le principal fait dans cette œuvre, qui constitue la deshumanisation des personnes, est la création artificielle obligée et mise en place par la société. Cette communauté est divisée en groupes. Ces groupes sont créés durant la création de l'Homme. La visite de l'usine au début de livre nous en explique le fonctionnement. Les fœtus suivent un parcours dans différents services (salle de mise en flacon, salle de prédestination sociale, salle de fécondation, dépôt des embryons, salle de décantation, ...), dans des flacons et reçoivent des traitements qui vont définir leur position dans la hiérarchie sociale. Ils sont souvent pour les castes les plus basses plusieurs dans un embryon grâce à différentes techniques. On se rapproche presque du clonage ou tous les individus sont tous pareils.

En raison de ce clonage, la société de ce monde est déshumanisée. Pour exister, un être humain a besoin d'avoir sa propre identité, des traits de caractère et un physique qui lui est propre et qui permet de le distinguer. Or, dans ce «Meilleur des mondes», les personnes n'ont plus d'identité. Ce ne sont que des individus parmi tant d'autres. Le clonage est tellement poussé qu'il est désormais possible de créer quatre-vingt-seize jumeaux parfaitement identiques avec le «procédé Bokanovsky». Il n'y a donc plus d'identité individuelle. Etant créée artificiellement, toute la population de la planète civilisée n'a pas de parents et par conséquent pas de famille. ll n'y a plus de notion de solidarité, d'entraide et d'amour entre les individus. Ceux qui sont différents sont rejetés comme Bernard Marx qui, élément subversif de la société, refuse de prendre du Soma et préfère «être lui-même». Ceci montre bien que les habitants n'ont plus de personnalité propre et sont dans le conformisme. Ils ne peuvent être différents au risque de se faire rejeter et critiquer. Et le soma en est d'ailleurs une des causes principale. (Voir le B). Pour chaque castes, ils sont habillés de la même façon afin d'être reconnu comme les Gammas qui sont en vert. Cette société de conformisme, déshumanise les habitants et les Hommes.

Aldous Huxley voulait déshumaniser ces personnages afin de montrer l'impact de sa société sur les Hommes, de la même manière que Cormac McCarthy dans son livre post apocalyptique.

2) La deshumanisation dans La route

Dans son œuvre, Cormac McCarthy déshumanise complètement les personnages. Il le fait de différentes façons. En premier, lui il ne donne pas de nom a ces personnages. Les protagonistes sont seulement pour nous, lecteur, l'enfant, le fils et le père. Les autres personnages rencontrés subiront le même sort. Jamais un nom n'est dit. Ils sont désignés par leur façon d'être et leurs actions. Par ce simple biais là, les personnages sont juste des Hommes parmi d'autres et perdent leur humanité et la vie qu'ils auraient pu avoir avant. Dans ce roman les protagonistes n'ont plus d'indenté, ils doivent juste survire et qu'importe les moyens employés. Seul cet aspect là les désigne et caractérise. Mais il n'y a pas que le fond, la forme aussi renforce cet aspect. Les dialogues mis en place par Cormac McCarthy déshumanise les personnages. Leurs dialogues sont courts, brefs et sont souvent des phrases nominales.

Malgré cela, le couple «héro» du livre échappe quelque peu a cet aspect là par le lien affectif qui les unit et le caractère de roman d'apprentissage. En effet tout au long du livre le père enseigne au maximum son fils sur la vie et le monde.

Ainsi, Cormac McCarthy, dans son œuvre, déshumanise ses personnages par différents moyens afin de renforcer l'aspect apocalyptique et dystopique de son œuvre.

Image tirée du film


B) Un monde dystopique

Une utopie : mot créé par Thomas More, du grec «ou» qui signifie «non», et de «topos», lieu. L'utopie est une représentation d'une réalité idéale et sans défaut. C'est un genre littéraire qui se traduit, dans les oeuvres, par un régime politique idéal (qui gouvernerait parfaitement les hommes), une société parfaite, ou encore une communauté d'individus vivant heureux et en harmonie. Ce genre est souvent utilisé pour dénoncer les injustices et dérives du monde réel.

Dystopie (ou contre utopie) : Vient du grec «dys» qui signifie «malformation», le «mauvais», et de «topos», qui signifie le «lieu». Soit, d'un point de vu étymologique «mauvais lieu». Une dystopie est donc le contraire d'une utopie. Elle relate une histoire ayant lieu dans une société imaginaire difficile ou impossible à vivre qui empêche l'accès au bonheur, une société pleine de défauts et dont le modèle ne doit pas être imité.

Les univers des livres La route et Le Meilleur des mondes sont des dystopies. Mais malgré leurs différences ils renvoient tous deux à un même univers.

Le décor de la route est un paysage de désolation. Les deux personnages évoluent sur une longue route  qui semble infinie. La route est vide, il n'y a qu'eux et leur caddie. Leur monde est détruit et il ne reste presque rien; rares sont les maisons encore complètement debout. Le monde qui les entoure est recouvert de cendres et de cadavres. Il y a une perpétuelle fine pellicule de cendre partout sur les arbres, les maisons... Les restes d'une civilisation avancée tels que des voitures, fils électriques ne sont que des vestiges oubliés; ils font partis du paysage. La nature est détruite, les arbres n'ont plus de feuilles, le sol est couvert de cendres et l'herbe et les feuilles se cassent, sous leurs pas. C'est l'hiver il fait perpétuellement froid avec de la pluie et de la neige. Voici donc le décor que plante Cormac McCarth.

Image tirée du film

Le monde de l'œuvre d'Aldous Huxley est aux antipodes de celui de La route. En effet le décor dans lequel évolue Bernard Marx est comme « parfait ». La ville de Londres apparait aseptisée aux lecteurs, propre, sans défauts extérieurs, la pollution n'existe plus. La ville est seulement composée de bâtiments gris-blancs, d'immenses immeubles. Lorsque l'on découvre certains intérieurs (celui de Bernard et son ami), tout est blanc, impeccable et épuré. 

Mais malgré ces oppositions et différences de décors, les deux œuvres sont des dystopies.


1) La route et son aspect de monde dystopique

La route de par son décor est déjà une dystopie mais ce qui s'y passe et les hommes qui y vivent renforcent cette caractéristique.

Dans ce monde où il n'y a plus de société, chacun agit comme il lui plait, et le plus souvent avec barbarie. Dans ce roman les Hommes nous sont présentés comme de animaux agissant par instinct de survie. Seul survire compte. Les hommes ont régressé. Ils sont prêts à tous comme au cannibalisme. En effet dans ce livre le cannibalisme est presque banalisé, beaucoup de survivants s'y livrent pour survivre. Lors de leur périple les deux protagonistes tombent sur une cave remplie de corps humains, découpés, prêts à manger. C'est la réserve personnelle du propriétaire. Cette découverte macabre montre aux lecteurs l'horreur de ce monde. Les survivants afin d'être plus forts se regroupent et sèment la terreur sur les routes. Ils sont plusieurs, et étant unis, ils sont plus forts et font régner leur loi. Ils sont armés et prêts à tuer pour obtenir ce qu'ils veulent. D'ailleurs l'homme porte sur lui en permanence une arme chargée et il est prêt à s'en servir pour se défendre.

Image tirée du film

La notion de tuer ou de meurtre n'a plus vraiment de signification, tuer est devenu une chose banale que l'on doit faire pour survivre. Dans ce monde le danger est donc permanent, tout peut arriver. Les protagonistes doivent fuir tout contact avec d'autres survivants. L'amitié et l'entraide n'ont plus leur place. Les Hommes sont livrés à eux mêmes. La guerre nucléaire qui aurait détruit le monde, comme nous pouvons le supposer, est souvent la base des dystopies actuelles. 

Leur marche sur cette longue route a un but. Ils espèrent trouver au sud des villes moins détruites et moins polluées soit un lieu qui n'aurait pas été touché par le cataclysme. Ce sud apparait au lecteur comme une terre promise. Cet espoir les fait vivre et tenir tout au long de ce périple à travers une Amérique dévastée. Au bout de leur chemin, ils arrivent dans le sud mais le sud est comme le reste du monde, détruit et dévasté; il ne reste rien. De plus ce monde terrible est parcouru par un jeune enfant qui voit toutes ces horreurs, ces silhouettes à demi vivantes et ces cadavres.

Ce monde est clairement un cauchemar, un monde dystopique tout comme l'œuvre d'Aldous Huxley.

2) Le Meilleur des mondes et son aspect dystopique

Huxley fonde sa dystopie sur l'aspect utopique d'une société-monde profondément anesthésiée par le progrès scientifique et technique. Il a imaginé une utopie réussie, d'où sont bannis à jamais la guerre, les conflits sociaux et la maladie.

Ce livre sera donc présenté comme une utopie puis tel un monde dystopique.

Dans ce monde où les guerres, les maladies n'existent plus, chaque homme a sa place et tout le monde appartient à tout le monde. Ces deux notions sont répétées dans l'ensemble du livre, elles régissent cette société. Ceci s'explique déjà par le fait que cette communauté est divisée en groupes; des Alphas, considérés comme les élites de la société aux Epsilons, composants la plus basse caste, en fonction de leurs capacités intellectuelles et physiques. Ces groupes sont mis au point lors de la création de l'être humain. Les Hommes sont créés artificiellement dans des cuves où les traitements chimiques imposés aux embryons les aiguillent dans l'un des groupes, influençant leur développement. Les Epsilons sont créés à plusieurs dans un embryon, contrairement aux Alphas qui y sont seuls.

Ces castes, coéxistent en harmonie et sans animosité, chacun étant ravi d'être dans le groupe où il a été placé, et pour cause. Des méthodes hypnopédiques sont mises en place dés la naissance. L'hypnopédie est une méthode reposant sur la théorie spécifiant que l'Homme peut apprendre en dormant. Dans l'œuvre d'Aldous Huxley l'éducation des enfants est fondée sur cette hypnopédie. On leur répète des centaines de fois des théories, dans le but de formater leur esprit et de les préparer à leur vie afin que tous se satisfassent de leur rang. Cette création purement artificielle crée donc une polygamie et une ouverture sexuelle où tout le monde appartient à tout le monde. Cette harmonie qui fait le bonheur de la communauté est créée par une drogue : le soma. Cette drogue dite douce est vendue et conseillée par le gouvernement. Elle sert également de somnifère et de contraceptif. Tout le monde en prend. Elle permet des moments de bonheur dus à des hallucinations et à des sommeils réparateurs. Il y en a en ville des cinémas sensitifs, des cabarets et des «bars» ouverts à tous. Les Hommes se déplacent dans ce monde en fusées hélicoptères, moyen de circulation très rapide et efficace.

Ce monde apparait ainsi au lecteur comme un monde parfait, comme le meilleur des mondes. Mais en réalité, ce monde d'allure parfaite et en fait, à l'intérieur «pourri» et tout sauf idyllique.

La procréation artificielle, à grande échelle, déshumanise les individus. Cette création artificielle induit donc une absence de père et de mère, et c'est effectivement le cas. La notion de parents n'existe plus, elle n'est plus envisageable. L'idée d'être parent y est extrêmement choquante. Cette absence de maternité et de paternité leur fait également oublier l'amour. Leurs relations et leur vie sont rythmées par des envies et des désirs. L'hypnopédie est en réalité une torture pour les nouveaux nés. Les techniques sont presque barbares et font souffrir les bébés comme par exemple lorsqu'on associe la douleur aux livres pour en empêcher l'usage, en effet les livres sont interdits. Le souvenir de la douleur leur reste et formate leurs esprits. On les conditionne afin de produire les consommateurs de cette société. Le soma est présenté comme une drogue parfaite sans effet alors que pris à forte dose elle peut entrainer la mort. Le soma sert surtout d'échappatoire à la société. Tous s'en servent pour échapper à leur vie. Bernard Marx qui en refuse l'utilisation est vu comme un marginal il est seul et critiqué. Dans les cabarets, les autorités sont présentes et en surveillent la prise pour forcer l'amusement qui n'est donc plus un plaisir. Ces bars subissent un couvre-feu. Les habitants sont en permanence surveillés et n'ont donc aucune liberté. Le lecteur découvre aussi des réserves d'Hommes vivant dans la pauvreté et la saleté mais librement et naturellement. On les appelle les sauvages. Ils sont enfermés dans des « enclos » entourés de fils barbelés électriques. Lorsque Lenina découvre celà elle prend d'ailleurs du soma pour oublier ces visions. A l'extérieur de la ville, on sait que se trouve des lieux de loisirs mais c'est là aussi que se trouvent les epsilons qui vivent dans des bidonvilles. De plus, toute notion de déité, de Dieu, est ramené au nom de Ford soit Henry Ford qui est le constructeur de la première voiture assemblée sur une chaîne mécanique semblable aux chaînes de production actuelles mais il est surtout celui qui a inventé le travail à la chaîne. Un découpage des actions poussé à l'extrême qui représente bien le découpage en caste de la société décrite dans le roman.

Cette société est donc une dictature et une réelle dystopie. Elle fait réaliser que Le Meilleur des mondes est une idée inaccessible et que le monde parfait n'existe pas.

Ces deux œuvres datant d'époques différentes, dans leur récit totalement dissemblables sont des romans d'anticipation qui présentent, chacun à sa manière, des mondes dystopiques. A travers ces personnages déshumanisés et ces mondes dystopiques les écrivains portent un regard critique sur le monde qui les entoure.


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